Je viens de relire
un discours d’Alexis TOCQUEVILLE ** prononcé le 12 septembre 1848 et critiquant
un amendement socialiste qui défend l’inscription d’un « droit du travail » dans
la constitution a été réédité par les éditions « Les belles lettres ». Sa
lecture m’a donné comme impression d’être renvoyé, comme en écho, aux prises de
positions du ministre de l’Économie d’hier et du Président aujourd’hui.
Nul doute qu’Alexis
TOCQUEVILLE aurait apprécié le rapport « progressiste » de Terra Nova
préconisant que les règles du « droit du travail » ne soient plus fixées par la
loi mais par des accords d’entreprise. En fait, de substituer le contrat à la
loi.
C’est précisément
sur le rôle de l’État dans l’organisation du travail que portait l’intervention
d’Alexis TOCQUEVILLE à l’Assemblée nationale le 12 septembre 1848, s’opposant
alors à un député socialiste ouvrant un « droit du travail » qui serait intégré
dans le projet de nouvelle constitution. L’intérêt de ce texte réédité réside
dans la démonstration et les arguments développés par Tocqueville pour réfuter
ce « droit au travail », un débat idéologique qui reste d’actualité comme l’a
montré la discussion de la loi MACRON. Alors ce dernier est-il un élève de
Tocqueville ?
Tocqueville s’oppose
aux socialistes. À ses yeux l’amendement socialiste va bien trop loin en
accordant « à chaque homme en particulier le droit général absolu,
irrésistible, au travail » avec pour conséquence finale que l’État deviendra «
l’unique entrepreneur de l’industrie », « accumulant ainsi dans ses mains tous
les capitaux des particuliers », se transformant en « propriétaire unique de
toutes choses », bref imposera « le communisme ». Il faut que la France sache,
dit-il encore si la révolution de février est ou non une révolution socialiste
». Pour montrer combien le socialisme est dans l’erreur, Tocqueville considère
qu’il trahit la révolution de 1789 qui n’ont remis en cause ni le principe de
la propriété privée, ni les idéaux.
Il dit encore : «
l’ancien régime professait cette opinion, que la sagesse seule est dans l’État,
que les sujets sont des êtres infirmes et faibles qu’il faut tenir par la main,
de peur qu’ils ne tombent ou ne se blessent…, qu’il est nécessaire de
réglementer l’industrie, d’assurer la bonté des produits, d’empêcher la libre
concurrence ». « Au contraire des socialistes qui trahissent l’esprit
républicain, et infantilisent les citoyens, Tocqueville recommande que l’État
se cantonne à « veiller » à ce que les ouvriers se présentent pour chercher du
travail, « en trouvent toujours chez les particuliers ». Autrement dit, laisser
les acteurs libres de passer le contrat qui leur convient.
ALORS N’EST-CE PAS
LA MÊME
LEÇON INDIVIDUELLE QU’EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE DANS UN
GOUVERNEMENT SOCIALISTE, PUIS PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A DISPENSÉ AU FIL DES
ANNÉES, EN AFFIRMANT PAR EXEMPLE QUE « LE LIBERAISME EST UNE VALEUR DE GAUCHE
», JUGEANT QUE « L’ÉTAT A SA PLACE MAIS IL EN A TROP PRIS ». BREF QUE
TOCQUEVILLE EST DE GAUCHE MAIS PAS SOCIALISTE !
**Alexis de
TOCQUEVILLE, est l’auteur notamment de « De la démocratie en Amérique ». Cet
ouvrage est redevenu depuis les années soixante le grand classique de la modernité,
de préférence à MARX. Ses exégètes n’ont cessé de croître tant en France et
qu'aux Etats-Unis. Parmi eux, on peut nommer Raymond Aron, Raymond Boudon,
François Furet, Bernard Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Pierre Manent et autres
penseurs libéraux. Et pour cause !
Son « œuvre » a eu
une influence considérable sur le libéralisme et la pensée politique. S’il
défend au parlement ses positions anti-esclavagistes et s’interroge sur la
colonisation en particulier en Algérie, ce « libéral-conservateur » fit partie
de la Société d’Économie Charitable, réunion de députés catholiques sociaux,
pour la plupart légitimistes. Après la chute de la monarchie de juillet, il est
élu à l’Assemblée constituante de 1848. Il est une personnalité éminente du
parti de l’Ordre, un parti résolument conservateur. Prenant conscience du poids
de la classe ouvrière et de l’émergence du socialisme avec la révolution
française de 1848 qu’il considère comme une trahison de la révolution de 1789,
il approuvera sans aucune réserve la répression sanglante de la révolution
parisienne des journées de juin 1848.
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