vendredi 5 juillet 2024

« Au rendez-vous », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.

 


« Va à la niche ! Va à la niche ! On est chez nous ! » Diffusées dans Envoyé spécial, les images de cette sympathisante RN de Montargis déversant son fiel raciste sur sa voisine noire résument précisément l’abîme dans lequel Le Pen et sa clique veulent faire basculer la France. Dimanche, à l’occasion du second tour des législatives, ces insultes d’une violence inouïe doivent résonner dans l’esprit de chaque citoyen face aux urnes.

Et leur rappeler que cette xénophobie viscérale, cette négation de l’humanité de l’autre renvoyé dans sa « niche », restera toujours la matrice de l’extrême droite. Sa vision ethnicisée d’une société normée, blanche, hétéro, chrétienne, où tout le monde ne se vaut pas en fonction de ses origines supposées, de sa religion, de sa couleur de peau.

Ce dimanche n’est pas un simple rendez-vous électoral. Mais un rendez-vous avec l’histoire de notre pays. Celle des Lumières, de la Révolution, de la Commune, du Conseil national de la Résistance… Le RN, masqué par le vernis de la « normalisation », renie cet héritage universel autant qu’il saccage la devise républicaine.

En faisant système de la discrimination, son concept de « préférence nationale » bafoue la liberté, l’égalité et la fraternité, brise l’idée d’une communauté de destin, fondée sur le respect de tous, au profit d’un funeste entre-soi. C’est ce péril démocratique, inédit depuis la Seconde Guerre mondiale, qu’il s’agit de combattre en portant sa voix dans chaque circonscription sur le candidat le mieux placé pour battre le RN. Sans tergiverser. En plaçant nos valeurs fondamentales au-dessus de tout différend politique.

Cette responsabilité est immense. Le Nouveau Front populaire s’en acquitte dans une remarquable unité. À la différence de la majorité présidentielle et autres tenants du « ni-ni » qui, après avoir joué les marchepieds du RN durant des années, font preuve d’une lamentable ambiguïté. L’histoire les jugera.

Le combat contre l’extrême droite, au plus haut dans les votes et dans les têtes, ne fait que commencer. La reconquête des cœurs et des esprits est à mener pour la gauche. Elle commence ce dimanche en renvoyant « à la niche » le parti de la haine.

 

« Quelle Histoire », le billet de Maurice Ulrich.



Signée par mille historiennes et historiens d’horizons politiques différents, une tribune parue dans le Monde appelle les électrices et électeurs à tout faire pour battre le Rassemblement national : « Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite est aux portes du pouvoir en France (…) nous ne pouvons garder le silence face à cette perspective effrayante à laquelle nous pouvons encore résister. »

Dans deux grands entretiens publiés dans nos colonnes, quotidien et magazine, Patrick Boucheron et Johann Chapoutot ont longuement analysé les raisons de sa progression et la nécessité de faire face au RN. Elles sont politiques, mais aussi, il faut y insister, ce qui est en jeu c’est une conception du monde dans laquelle la question de l’Histoire occupe une place essentielle.

Parmi les points communs entre les fascismes, le nazisme, les extrêmes droites d’aujourd’hui, on retrouve le rejet et le refus de l’histoire réelle pour le mythe de l’identité. Il fonde un récit de la nation éternelle, qui ne peut qu’être pervertie par l’Autre, étranger ou différent : le sang, le sol, la race.

 

jeudi 4 juillet 2024

« Portrait de famille », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



On croirait une farce. Une plaidoirie du pire servie par de piètres pantins, caricature minable qui, même si l’heure n’était pas aussi grave, n’aurait fait rire personne. Certes, pas plus que les autres partis, le RN n’a eu le temps de faire dans la dentelle, forcé d’investir à la hâte, par le coup de menton présidentiel de la dissolution, des centaines de candidats à la députation. Mais le casting final des affidés de Bardella est un cas d’école.

De profils douteux en déclarations abjectes, les « perles » de celles et ceux qui, à l’extrême droite, prétendent au Palais Bourbon inondent les réseaux sociaux et les colonnes de la presse locale. Imaginez le portrait de famille des candidats. Celui sous curatelle – théoriquement non éligible ; celle arborant une casquette nazie ; celle déclarant sans ciller : « Je ne suis pas raciste, j’ai un ophtalmo juif et un dentiste musulman » ; celui expliquant fièrement s’être fait « bénir par un curé de couleur » sans l’« écraser avec sa moto » ; celui affirmant que « la nationalité n’a rien à voir avec la race »… Et tout est à l’avenant.

Si l’état-major du RN en a débranché certains face à la polémique, d’autres demeurent en lice. Et c’est sans doute le plus inquiétant. Car le vote de millions d’électeurs convaincus par l’étiquette RN présage d’un raz-de-marée brun sur l’Hémicycle. L’ombre d’une armée de godillots au service d’une idéologie xénophobe et rétrograde plane sur l’Assemblée nationale et, dans ce désastre, Emmanuel Macron porte une responsabilité immense. Les gesticulations de son sérail pour éviter, dans la dernière ligne droite, le pire des scénarios sont dérisoires. Le maître des horloges a affolé le chronomètre.

Ceux qui ont la République au cœur ont pris leurs responsabilités. L’intégralité des candidats du Nouveau Front populaire arrivés en troisième position s’est désistée. De même que la plupart des macronistes, par contrainte souvent, par conviction parfois. Une seule solution désormais. Faire élire, partout, des députés communistes, insoumis, socialistes et écologistes. Toutes les forces doivent se déployer sur le terrain pour y parvenir. L’enjeu n’est pas arithmétique. Il est éminemment démocratique.

 

« Morale », le billet de Maurice Ulrich.



D’abord la bouffe, ensuite la morale. Ces mots de l’une des chansons de l’Opéra de quat’sous, de Bertolt Brecht volaient sur les lèvres dans l’Allemagne de 1928. On peut y réfléchir encore aujourd’hui, dans cette période où on prend les loups pour des chiens dans une inversion sans précédent des valeurs.

« Le patronat parle au RN, au contraire de la CGT et de la CFDT qui, elles, gardent la porte fermée à double tour », écrivait, mercredi, le quotidien libéral l’Opinion. Oui et elles, les deux femmes remarquables, disons-le, qui dirigent les deux premiers syndicats de France, appellent sans ambiguïté à faire barrage au RN, à la différence du patron du Medef, Patrick Martin : « Le programme du RN est dangereux pour l’économie française, celui du Nouveau Front populaire l’est tout autant, voire plus. »

En conséquence, on voit où son cœur balance. Car, la réalité, c’est que le patronat, où que ce soit, n’a jamais eu à se plaindre des extrêmes droites et même, bien au contraire. Le profit d’abord et tout le reste après.

 

mercredi 3 juillet 2024

« Pour ne pas brader des siècles de conquêtes républicaines », la chronique de Patrick Le Hyaric.



Tout démocrate, tout humaniste, tout républicain est placé au pied d’un mur épais et sombre : empêcher quoiqu’il en coûte de laisser advenir le pire dimanche prochain. Empêcher l’extrême droite de conquérir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale et d’occuper les ministères. Personne ne doit perdre de vue la portée du moment historique en cours. Le brouhaha des invectives, des mensonges et des chiffres qui volent en escadrilles ne sert qu’à cacher la gravité du moment. En effet, ce n’est pas une simple alternance qui peut sortir des urnes dimanche prochain. C’est un point de bascule sans retour à long terme.

Les démocrates, les républicains, les humanistes ont donc l’immense responsabilité de construire une solide, plurielle et fraternelle chaîne pour empêcher la chute dans l’abîme d’une ère politique brune de la France des solidarités, de la générosité, de la culture et du travail. Notre France, cette France des lumières et de la Résistance, « celle de trente-six à soixante-huit chandelles » peut pour la première fois par la voie des urnes se jeter dans la gueule du monstre. Ses mâchoires broieraient un à un ses conquis sociaux et démocratiques, ses libertés, sa culture, sa justice, son école, ses équipes de recherche, ses obligations pour préserver le climat, son ouverture au monde. Bref, tous les éléments constitutifs de sa république forgés au cours de dizaines d’années de mobilisations et de controverses démocratiques.

Voilà qui change la nature même du vote de dimanche prochain. Ce second tour pour l’élection de l’Assemblée nationale prend le caractère d’un référendum pour défendre et sauvegarder la république en empêchant une victoire de l’extrême droite. Oh, certes en écoutant ses responsables tout est calme, tout est rassurant, tout est policé. Les marchés financiers qui ont salué leur performance électorale en disent long sur leur préférence. Ils ont rassemblé 9 377 123 millions d’électrices et d’électeurs sur le nom de leurs candidats dont une bonne partie d’entre eux n’a même pas fait campagne. Mais avec 8 974 563 voix le nouveau Front populaire n’est qu’à 400 000 voix de ce résultat. S’ils ont rassemblé un tiers de l’électorat, cela veut aussi dire que deux tiers n’ont pas voté pour eux.

Ceux qui depuis des semaines ont fait profession de tirer un trait d’égalité entre l’extrême droite antirépublicaine et la coalition des gauches et des écologistes ont soit perdu la tête, soit souhaitent ouvertement la victoire d’une force fondée par des Waffens-SS et comptant toujours dans ses rangs des néonazis. Se placent-ils en héritier de ceux qui en 1936 affirmaient droit dans leurs bottes ? « Plutôt Hitler que le Front populaire » ?
Le Front populaire d’aujourd’hui est l’alternative progressiste, sociale, démocratique, écologique pour battre cette extrême droite et offrir une perspective de mieux vivre, d’un nouveau pouvoir de vivre, tant malmené depuis des années. Fidèles aux idéaux de la Résistance et de la France solidaire, les forces du nouveau Front populaire n’hésitent pas, ne tergiversent pas : ils se désistent et soutiennent – au nom de La République – toutes les candidates et candidats qui peuvent empêcher l’élection d’un parlementaire d’extrême droite.

Il en coûte certes, à des militants de gauche, à des progressistes, à des militants syndicaux ou associatifs de voter pour des candidats de la macronie ou de droite qui ont reculé l’âge de départ en retraite, déstructuré le droit à l’assurance-chômage ou ont utilisé les longs canifs contre le code du travail. Mais ils vont à l’essentiel. L’essentiel est de prêter l’oreille pour entendre sous les nouveaux discours lisses du RN/FN les messages codés d’une extrême droite la plus brutale, la plus autoritaire, la plus antisociale, la plus anti-écologique.
Prêtons en même temps, attention au tableau de notre pays que dépeint Mme Le Pen : le pays serait ruiné, au bord de la faillite, dit-elle pour mieux faire demain accepter une cure d’austérité sans précédent.
Derrière l’idée de rapprocher le salaire net du salaire brut, il y a la suppression des cotisations sociales qui conduit à la fin de la Sécurité Sociale et du système de retraite par répartition pour offrir la santé et la protection sociale de chacune et de chacun aux assurances privées et aux fonds de pension.

Et pour mieux justifier des dérogations au droit commun et pouvoir imposer des dispositions exceptionnelles, ils agitent le mensonge de villes en voie d’islamisation et sous la coupe de dealers. Leurs attaques contre l’audiovisuel public cachent mal leur haine du pluralisme, leur critique de la justice, de la cour européenne des droits de l’Homme et de l’Onu prépare leur rejet de « l’État de droit ».

Pour mieux tromper son monde, voici que le sieur Bardella tout en contrôle de sa raide posture et de ses mots ânonnés se présente en « candidat de la raison », avec « un programme raisonnable », qui n’apportera rien à ceux qui croient voter pour une quelconque amélioration de leur vie quotidienne. En vérité matraquer plus pauvre que soit ne nous rendra pas plus riches. Par contre, il se fait fort de protéger les 500 familles qui ont accumulé ces dernières années 1 200 milliards d’euros et les marchés financiers. Voilà ce que signifie « candidat de la raison ». Rien pour améliorer les bas salaires, rien pour les prix plancher agricoles, rien pour le travail et l’emploi. Aux manettes du gouvernement, le RN/FN sera un élément supplémentaire du rapport de force en faveur des puissances industrielles et financières qui auront carte blanche pour exploiter toujours plus les travailleuses et les travailleurs et réduire leurs droits.

Quand on veut exclure les binationaux, quand on remet en cause le droit du sol, au nom du « bon sens » quand on prône la « préférence nationale » maquillée en priorité nationale, on veut entailler notre Constitution, dont son préambule de 1946 et tourner le dos à la République. Pourquoi, par une inversion des responsabilités et des valeurs, avoir caché que le programme du RN/FN est antirépublicain ? La conception républicaine de la citoyenneté française est depuis très longtemps le contraire de la mesure de la quantité de sang « français » qui circule dans nos veines et artères. Derrière le vernis et les costumes se cachent bien une conception raciale de l’être humain.

Au galimatias économique et social, aux promesses électorales à géométrie variable, à la contestation, des modifications climatiques, à l’anti-progressisme s’ajoutent la remise en cause des mécanismes de solidarité et le retour au pire : l’obsession nativiste de la pureté biologique du peuple. Ceci doit rappeler quelque chose à tous les humanistes par-delà leurs opinions.

Dimanche, faisons front démocratique et républicain. Empêchons la bascule qui ouvrirait la sombre voie du bradage de siècles de conquêtes républicaines et au nationalisme xénophobe, raciste et antisémite. Contrairement à ce que pensent certains, ce ne serait pas un essai. Incapables d’améliorer la vie des gens et de sortir le pays de l’ornière, ils réclameront dans trois ans les pleins pouvoirs. Dimanche est jour de mobilisation pour la République sociale et laïque, démocratique et écologique.

 

« Responsabilité », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



L’heure n’est ni aux faiblesses ni aux bassesses. Le moment est bien trop grave pour laisser libre cours aux propos et éditoriaux délirants qui préfèrent, encore aujourd’hui, taper sur le Nouveau Front populaire plutôt que de voir l’imminence du danger : le Rassemblement national est au seuil de Matignon. 

L’explosion des actes et des propos racistes donne la mesure de ce que pourrait être demain une France frappée du sceau de la « préférence nationale », de la xénophobie, de l’autoritarisme. L’immigration n’a jamais été la mère de toutes les insécurités, comme le martèlent les dirigeants lepénistes. La stigmatisation de l’autre, de l’étranger ne sera jamais une réponse à la réclusion territoriale, au dévissage social que subissent trop de nos concitoyens qui les ont parfois conduits à glisser un bulletin RN dans l’urne. C’est une hérésie.

L’heure n’est ni aux ambiguïtés ni aux contre-vérités. « On n’a jamais essayé » l’extrême droite, a-t-on maintes fois entendu durant cette campagne. Comme si Vichy n’avait jamais existé. Comme si les élus et parlementaires du RN ne portaient pas une responsabilité dans la mal-vie des Français. L’indexation du Smic sur l’inflation ? Ils ont voté contre. Le rétablissement de l’impôt sur la fortune ? Ils ont voté contre.

Dans les villes qu’ils administrent, les services publics comme les crèches ou encore les piscines ont été privatisés. Marine Le Pen et Jordan Bardella renvoient les augmentations salariales et exonérées de cotisations patronales au seul bon vouloir des dirigeants d’entreprise. Ils ne sont pas et n’ont jamais été les défenseurs du pouvoir d’achat. C’est une imposture.

L’heure n’est ni à la résignation ni aux tergiversations. Nous pouvons empêcher que le pays devienne un État de non-droit en donnant davantage de poids aux candidats du Nouveau Front populaire présents au second tour, et qui seront demain une voix essentielle dans l’Hémicycle. La gauche a pris ses responsabilités en se désistant dans les circonscriptions où l’extrême droite pourrait l’emporter. Le bloc présidentiel, aussi, doit être à la hauteur de l’Histoire. Nous avons les moyens d’endiguer la vague brune sur l’Assemblée nationale. C’est le choix de la raison.

 

« Jean Moulin », le billet de Maurice Ulrich.



Il ne saurait être trop tard pour revenir, malgré sa brièveté, sur cet échange entre le président du RN et le secrétaire national du PS pendant un débat télévisé. Olivier Faure : « Rappelez-vous de l’époque où on disait à l’entrée des bistrots »… Jordan Bardella, qui le coupe : « Ça y est, Jean Moulin est de retour »… Olivier Faure : « Interdit aux chiens et aux Italiens »… Jordan Bardella : « Jean Moulin de »… De quoi, on ne saura pas, mais on a compris.

Pour le chef du RN, l’homme qui a unifié la Résistance française, ignoblement torturé pendant des jours par les bourreaux du SS Klaus Barbie avant de mourir dans un train de déportation, cité avec une très singulière ironie bottée, serait un repoussoir propre à discréditer son contradicteur.

C’est, après des années de fausse respectabilité en costume-cravate, le vernis du mensonge qui craque. Le regard que porte Jordan Bardella sur Jean Moulin est celui que la France de la collaboration avec les nazis portait sur la Résistance. C’est cela, la vérité du président du RN que les électeurs doivent connaître.

 

« Au rendez-vous », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.

  « Va à la niche ! Va à la niche ! On est chez nous ! »  Diffusées dans  Envoyé spécial , les images de cette sympathisante RN de Montarg...