vendredi 11 avril 2025

« Engagé(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel DUCOIN



POST. Il fallait s’y attendre. Un post, une prise de position… et la Toile s’est enflammée. Depuis le 25 mars, Teddy Riner se trouve au milieu d’une tempête médiatique qui agite les réseaux sociaux. Alors que le débat sur une potentielle interdiction des signes religieux lors de certaines compétitions sportives s’emballait au Parlement, attisé par la droite et l’extrême droite, le plus grand judoka de l’histoire prenait donc la parole.

Son post ne passa pas inaperçu : « Le sport doit rester un espace où chacun peut s’exprimer, s’épanouir et se rassembler dans le respect des règles et de l’éthique sportive. » Une phrase plutôt apaisante. Suivie d’une traînée de poudre. « Pour qui se prend-il ? » « Un sportif ne doit pas donner son opinion. » « Pourquoi prend-il le risque de parler ainsi ? » Que n’avons-nous pas entendu, ces deux dernières semaines, sur Cnews, RMC ou BFM, autant d’injonctions à se taire proférées par des petits marquis éditocrates donneurs de leçons. « Teddy Riner, champion engagé », titrait le Parisien cette semaine, comme une simple constatation. « Engagé » : le mot est lâché.

ATAQUES. Cette polémique absurde n’est pas sans nous rappeler celle suscitée par Kylian Mbappé, le capitaine des Bleus, lors du dernier Euro de foot, quand il avait exhorté les Français à ne pas porter au pouvoir l’extrême droite, en pleine élection législative. Mbappé et Riner seraient donc « trop » citoyens, pour oser dire ce qu’ils pensent dans des moments où la société française se tend et cherche une boussole ?

L’appel à « l’apaisement » de Teddy Riner provoqua évidemment une réaction de notre sinistre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ce dernier précisant qu’il ne « tacle personne et surtout pas Teddy Riner ». Une touche humoristique sur une thématique sérieuse, démontrant surtout qu’il n’est pas si aisé de parer aux attaques du quintuple médaillé d’or olympique, même lorsqu’on occupe la célèbre Place Beauvau. Car ces dernières semaines, le judoka n’hésite plus à prendre des positions tranchées. Voile dans le sport : Riner parle. Situation économique aux Antilles : Riner s’indigne. Budget des sports au lendemain des Jeux de Paris : Riner se fâche. Et sa voix porte !

LUTTE. Le bloc-noteur n’ira pas jusqu’à convoquer les grands athlètes qui marquèrent l’histoire, en la transformant, de Gino Bartali à Megan Rapinoe, en passant par Tommie Smith ou Muhammad Ali bien sûr, autant de noms qui s’engagèrent politiquement, par des gestes symboliques de résistance, déployés sur la pelouse d’un stade ou sur des podiums de jeux Olympiques.

L’impact sur les opinions publiques n’est plus contestable, quand le sport devient un « outil » de lutte politique, alors que, dans la charte olympique, l’article 50 stipule : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. » Teddy Riner, lui, interroge : « Si, en tant que sportif, je ne prends pas la parole, qui le fait ? » Et il ajoute : « Je suis désolé de mettre cette pression sur ce ministre, mais quand on dit, on fait », s’adressant directement à Manuel Valls, ministre des Outre-mer. Riner n’en reste pas là : « Je suis le seul décideur de mes prises de position, explique-t-il au Parisien. Quand je défends le budget pour le sport, ce n’est pas le haut niveau que je défends, mais le sport pour tous, celui de nos enfants. Je suis là pour aider, sur des causes qui me tiennent à cœur. Mon rôle d’athlète, c’est aussi d’avoir des avis. J’ai 36 ans, la carrière, les épaules et la légitimité, je pense, pour le faire. »

Comme le dit son avocat, Didier Poulmaire : « Les sportifs ne sont pas des sociologues mais pourquoi ne devraient-ils pas dire ce qu’ils pensent ? Les athlètes touchent les gens, on se doit de leur faire une place dans la société et de les associer aux débats. On peut ne pas être d’accord avec lui, mais on ne peut pas le museler. » Qui oserait ?

 

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